Un contrat historique d’importation de blé tendre redéfinit la sécurité alimentaire du pays
En un geste stratégique de grande ampleur, l’Algérie a finalisé début décembre un contrat historique d’importation de blé tendre. Cette opération, pilotée par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), vise à sécuriser l’approvisionnement national en céréales, une denrée essentielle à la ration alimentaire des Algériens. Ce contrat d’achat, l’un des plus importants de l’année, intervient dans une période où les conditions climatiques ont contrarié les semis dans le pays.
Une acquisition d’ampleur pour répondre aux besoins nationaux
Selon les informations rapportées par l’agence Reuters, l’OAIC aurait acheté sur le marché international entre 810 000 et 900 000 tonnes de blé tendre. Ce volume considérable a été réparti entre plusieurs entreprises internationales, confirmant l’ampleur de l’acquisition. Le détail du contrat révèle une logistique précise : les expéditions du blé en provenance d’Europe ou de la mer Noire sont prévues pour la seconde quinzaine de février 2025, tandis que celles provenant d’Amérique du Sud ou d’Australie bénéficient d’un délai supplémentaire d’un mois.
Cette acquisition massive est directement liée à la place centrale du blé dans l’alimentation locale. En Algérie, les blés (tendre et dur) contribuent à hauteur de 43% des calories totales et de 46% des protéines dans la ration alimentaire moyenne. Pourtant, le pays ne couvre qu’environ 25% de sa consommation nationale par sa production locale, ce qui en fait l’un des plus grands importateurs mondiaux de céréales, avec une dépendance céréalière dépassant les 70%.
Un choix stratégique marqué par la diversification des fournisseurs
Un élément majeur de ce contrat est l’absence notable de la France parmi les fournisseurs retenus. Cette exclusion, régulièrement observée ces dernières années dans les appels d’offres de l’OAIC, serait motivée par des raisons diplomatiques selon certains observateurs, comme l’a commenté la revue France Agricole. En lieu et place, les sources indiquent qu’une partie significative du blé serait originaire de Russie et d’Argentine.
Ce choix commercial s’inscrit dans une dynamique plus large de diversification des sources d’approvisionnement. Face aux tensions diplomatiques, l’Algérie s’est progressivement tournée vers d’autres fournisseurs, notamment ceux de la région de la mer Noire et d’Amérique du Sud, pour compenser la réduction des importations françaises.
Profiter d’un contexte international favorable
La décision de l’OAIC d’acheter une telle quantité semble avoir été prise à la faveur d’une baisse conjoncturelle des prix sur le marché mondial. Le contrat aurait été conclu autour de 256 dollars la tonne en prix C&F (coût, assurance et fret inclus), selon le site ukrainien Ukragroconsult.
Cette opportunité tarifaire coïncide avec une période de forte concurrence entre les grands exportateurs. En particulier, les prix du blé russe et argentin ont connu des baisses significatives. Début décembre, les prix du blé russe étaient ainsi tombés à leur plus bas niveau depuis mi-septembre, se stabilisant entre 228 et 230 dollars la tonne (FOB – Free On Board). Les analystes estiment que les exportateurs russes ajustent leurs prix pour sécuriser des parts de marché dans un contexte international compétitif.
Une sécurité alimentaire nationale face aux défis
Cette importation massive intervient dans un contexte national où la sécurité alimentaire reste une priorité absolue. L’Algérie, bien que considérée en situation de sécurité alimentaire « confortable » avec une prévalence de la sous-alimentation inférieure à 2,5%, dépend largement des marchés internationaux pour nourrir sa population.
Pour renforcer sa résilience, le pays développe parallèlement ses capacités de stockage. L’OAIC est en train de réceptionner de nouveaux silos qui devraient porter la capacité totale de stockage de céréales du pays à 9 millions de tonnes. Ces infrastructures sont progressivement raccordées au réseau ferroviaire national pour optimiser la logistique.
En parallèle, d’importants projets agricoles sont en cours dans le sud du pays pour étendre les surfaces cultivables, notamment à Timimoun où un partenariat avec l’italien Bonifiche Ferraresi prévoit la mise en culture de 36 000 hectares pour la culture de blé dur. Cependant, ces initiatives se heurtent à des défis, comme des semis tardifs observés cette année, dus en partie à un retard des pluies automnales dans le nord du pays.
Les enjeux d’un approvisionnement durable
Ce contrat historique d’importation de blé illustre la quadrature du cercle à laquelle fait face l’Algérie : assurer une alimentation abordable et stable pour sa population tout en cherchant à réduire sa dépendance extérieure. La stratégie actuelle combine ainsi des achats massifs à prix compétitifs sur le marché mondial avec des investissements dans les infrastructures de stockage et l’extension des terres agricoles.
La capacité du pays à naviguer dans un marché céréalier mondial volatile, où les tensions géopolitiques comme la guerre en Ukraine continuent d’avoir un impact sur les prix et les flux, reste un enjeu crucial pour les années à venir. La diversification des fournisseurs, comme en témoigne ce contrat qui privilégie les origines russe et argentine, apparaît comme un pilier de cette stratégie de sécurisation.









